Un restaurant parisien n'accepte pas les arabes et les femmes voilées

9:37 - May 18, 2018
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Quand on gratte le vernis brillant de L’Avenue, un restaurant chic situé en plein cœur du très huppé 8ème arrondissement de Paris, où se pressent tout le gratin de la politique, des médias et du spectacle mais aussi des stars internationales, on découvre un envers du décor nettement moins classieux et plus glauque, où la discrimination envers les Arabes et les femmes voilées s’applique sournoisement, et pas seulement en cuisine…


Révélé au grand jour par le site Buzzfeed, cet ostracisme très ciblé et bien dans l’air vicié du temps, qui frappe une certaine catégorie de clients jugés indésirables par la direction de l’établissement, ne s’affiche pas en vitrine (pas folle, la guêpe !!), mais est totalement banalisé en interne, à travers des consignes très strictes imposées au personnel.


Les différents témoignages recueillis par Buzzfeed, notamment de quatre anciennes serveuses, font tous ressortir l’islamophobie totalement décomplexée d’Alexandre Denis, le directeur de L’Avenue, usant de stratagèmes peu reluisants pour désigner persona non grata la clientèle composée d’Arabo-musulmans et de femmes revêtues de ce voile qu’il ne saurait voir nulle part, et surtout pas en terrasse…

Selon Anaïs qui y a travaillé plus de dix ans, « La consigne était claire : il fallait qu’au rez-de-chaussée et en terrasse les clients soient “beaux et présentables” selon le directeur». En d’autres termes, pas question d’accepter des réservations de personnes ayant un « nom à consonance arabe », ou de « touristes venant du Moyen-Orient (les pays ciblés sont le Qatar, les Émirats arabes unis, le Bahrein et l’Arabie saoudite).


Les ordres étaient explicites et ne souffraient aucune discussion, comme l’affirment les quatre anciennes employées du restaurant, en précisant que « si une femme voilée se présentait, elles devaient la refuser, prétextant que le restaurant était plein, même s’il ne l’était pas. En outre, elles assurent que ce système bien rôdé est toujours à l’œuvre aujourd’hui ».


Et Anaïs de poursuivre : « Le directeur, Alexandre Denis, dit souvent qu’il préfère avoir deux personnes blondes, belles, en terrasse, avec deux cafés, plutôt que des femmes voilées, même si elles sont riches. Celles-là, on devait les refuser, et à chaque fois qu’une hôtesse prenait une réservation d’un client avec un nom arabe, il demandait qui avait pris cette réservation et rappelait la consigne de les refuser autant que possible en faisant croire que le restaurant est complet ».

Dans ce tri odieusement sélectif, les clients du Moyen-Orient ont le redoutable privilège d’être « les plus discriminés, devant les Asiatiques ou les Noirs, qui peuvent être acceptés même s’il ne faut pas qu’il y en ait trop », rapporte Flore, l’un des grands témoins de cette politique discriminatoire érigée en système par un restaurant qui a pignon sur rue dans la Ville Lumière.


« Si une cliente voilée qui a réservé par téléphone ou sur internet se présente devant les hôtesses chargées de l’accueil, la consigne est de lui faire croire que sa réservation n’a pas été enregistrée », se souvient encore Eglantine, qui fut manageuse à L’Avenue dans une vie antérieure.


Devant ces témoignages accablants, on n’est guère surpris d’apprendre les vives dénégations d’Alexandre Denis, le directeur de L’Avenue, qui a tout nié en bloc lors de l’entretien accordé à BuzzFeed, le 15 mai. Le contraire eût été étonnant, car comment admettre l’inavouable ?

« Il y a toutes les cultures, toutes les nationalités qui viennent ici. Il y a des gens du Moyen-Orient, il y a tout ce que vous voulez. Si vous voulez mettre le feu en nous dénonçant comme des gens racistes, voilà… On gérera autant que possible mais ce n’est pas ça. (…) Moi je peux dire quelque chose, mais je ne sais pas comment les gonzesses [sic] vont l’interpréter. (…) Ce qui est certain, c’est que je n’ai jamais donné de consigne pour refuser des clients », se défend-il, en assurant tout ignorer des « consignes discriminatoires échangées sur WhatsApp entre la demi-douzaine d’hôtesses et de chefs hôtesses qui sont chargées d’enregistrer les réservations à midi et le soir ».


Mais Buzzfeed ne s’en est pas tenu aux assertions du directeur de L’Avenue et a cherché à savoir ce qu’il en était réellement. « Nous avons tenté de faire une réservation depuis le Qatar au nom de «Ahmed». Nous voulions réserver une table pour 4 personnes le mardi 1er mai à 12 h 30. ‘Malheureusement, mardi, c’est déjà complet, mais j’ai 22 h 30’, nous a répondu l’hôtesse. Nous avons alors demandé s’il était possible dde réserver pour le déjeuner le lendemain. Impossible selon l’hôtesse, le restaurant étant complet. Nous avons donc demandé de réserver pour le déjeuner du jeudi 3 mai. Même réponse.

L’hôtesse a prétexté des réservations effectuées par «de gros clients de New York». Mais, lorsque nous avons rappelé un peu plus tard depuis Paris, au nom cette fois de «Yann», miracle : la réservation pour 4 personnes du mardi 1er mai a immédiatement été acceptée. Après vérification, le restaurant n’était absolument pas complet lors des créneaux sollicités ».


Son test n’aurait pas été complet sans avoir vérifié la réaction des hôtesses du restaurant devant la présence d’une femme voilée : « Nous avons également fait le test en nous rendant directement à «L’Avenue» en compagnie d’une femme portant un foulard, après avoir appelé deux fois pour confirmer la réservation que nous avions prise pour le déjeuner. À notre arrivée, l’hôtesse nous a affirmé qu’elle n’avait aucune réservation à notre nom… Il a fallu que nous insistions pour qu’elle accepte finalement de nous accueillir. Elle a alors demandé à une serveuse de nous placer à l’étage. Six tables situées au rez-de-chaussée resteront libres pendant toute la durée de notre déjeuner ».


A la lumière de l’enquête tristement édifiante réalisée par BuzzFeed, force est de constater que dans le très select restaurant L’Avenue, seuls les clients triés sur le volet sont acceptés, quant aux autres, notamment les Arabo-musulmans et les femmes voilées, ils savent désormais à quelle sauce ils seront mangés…

oumma

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